Claude Pastre - Janvier 2013
La montagne c'est spécial, même pour la météo ! L'atmosphère est un fluide qui s'écoule à la surface de la Terre, comme l'eau dans un bassin. La montagne est comme un tas de cailloux au fond du bassin, qui fait obstacle à l'écoulement. Complication supplémentaire, dans l'atmosphère, des mouvements à toutes les échelles d'espace et de temps interagissent entre eux jusqu'à l'échelle des ondes planétaires de plusieurs milliers de kilomètres de longueur d'onde. Or la montagne fournit des rugosités, trous et bosses, depuis l'échelle centimétrique jusqu'à la centaine de kilomètres et l’interaction montagne-atmosphère résulte en des mouvements atmosphériques complexes. Résultat, la montagne « fabrique » dans une large mesure sa propre météo – sauf cas particuliers, le mauvais temps y est plus actif qu'en plaine – et la prévision y est plus difficile car les phénomènes sont souvent locaux.
Retenons :
- Le soulèvement du flux atmosphérique par la montagne a souvent pour effet une anticipation de la perturbation et aussi un renforcement du mauvais temps sur l'obstacle
- Mais aussi une atténuation derrière l'obstacle par une sorte d'effet d'abri lié aux mouvements descendants derrière l'obstacle
- Souvent le mauvais temps s'attarde sur la montagne alors que la perturbation de grande échelle est déjà loin
- L'effet dépend surtout de l'orientation du flux (le vent) de grande échelle par rapport à l'obstacle
Quelques vidéos vont permettre d'illustrer tout cela. Ces vidéos sont composées à partir d'images successives fournies par le satellite METEOSAT. Certaines des vidéos illustrant l'article ont été acquises en « lumière visible », c'est à dire dans les longueurs d'ondes auxquelles l’œil humain est sensible, on a alors l'équivalent de photos en noir et blanc. La plupart utilisent ce qu'on appelle « infra-rouge thermique » par abus de langage, c'est-à-dire des longueurs d'onde où la mesure est directement liée à la température de la cible : les différents niveaux de gris correspondent à la température. Le sol ou l'océan, en général plus chauds sont en noir, les nuages sont en gris et blanc, d'autant plus blancs qu'ils sont plus froids, donc plus haut. Le « mauvais temps » est souvent associé aux nuages les plus blancs.
L'indication « Infra-rouge » ou « Visible » est donnée pour chaque vidéo.
Vidéo 1 (Infra-rouge) à télécharger :
Une bande gris-blanc – un « front » dans le jargon, associé à une dépression située sur l'Atlantique – traverse la France entraînée par un flux venant de l'Ouest. Lorsqu'elle arrive sur le Massif Central on assiste à une sorte d'explosion de nuages plus blancs (montant plus haut, mais aussi plus épais). Ce mauvais temps plus actif persiste sur le Massif central alors que le front s'éloigne vers l'Est.
Vidéo 2 (Infra-rouge) à télécharger :
Ici un front se déplace lentement d'Ouest en Est sur l'Espagne et la France. Il se situe dans un flux de Sud-Ouest pratiquement perpendiculaire aux Cantabriques et Pyrénées.
Un système d'onde s'établit avec des vitesses descendantes, donc une éclaircie, en amont de la montagne, des ascendances, donc un mauvais temps plus actif, sur la montagne, et de nouvelles descendances avec une éclaircie – ici peu visible – sous le vent du relief.
Chacun a entendu suffisamment de bulletins de prévision pour savoir que le mauvais temps est associé à des « dépressions » (zones de basses pressions atmosphérique) se déplaçant grosso-modo d'Ouest en Est à des latitudes plus où moins élevées. Nous n'en dirons pas plus ici sur la circulation atmosphérique en général.
L'effet de la montagne sur l'atmosphère dépend principalement de la direction d'où vient le flux par rapport à la chaîne. On utilise donc généralement ce critère pour classer et décrire les types de temps. Il ne s'agit pas d'une classification rigoureuse et rigide : les frontières entre types sont floues et lors d'un événement météorologique on passe le plus souvent progressivement d'un type à l'autre au fur et à mesure du transit de la zone dépressionnaire. Mais un découpage ordonné facilite la description. La classification peut-être raffinée pratiquement à l'infini, on se contentera ici d'un découpage en quatre classes : Ouest à Nord-Ouest, Sud-Ouest, Sud-Est, Autres.
Type de temps W à NW
Vidéo 3 (Infra-rouge) à télécharger :
Cette vidéo illustre le passage de deux perturbations dans un flux d'Ouest qui tourne peu à peu pour passer au Nord-Ouest, associé à une dépression qui transite sur Iles Britanniques et Baltique.
Quand le flux est plein W, douceur et précipitations dominent, avec des améliorations de quelques heures entre perturbations qui passent à intervalles de 36 à 48 heures
Lorsque le flux est plus de NW, on a des périodes plus longues d'arrivée d'air froid à l'arrière de la perturbation. Cet air instable fait que le mauvais temps s'attarde sur les montagnes
Dans ces situations les effets orographiques sont importants. On a de fortes précipitations sur les massifs directement exposés comme les Préalpes, le Vercors, Belledonne. En revanche les Alpes du Sud sont protégées surtout par temps de NW. La limite climatique Thabor-Lautaret-Pelvoux-Olan est ainsi très marquée dans ces situations fréquentes.
Ce type de temps donne de fortes chutes de neige en hiver. Cependant, s'il fait suffisamment doux au passage des perturbations, l'alternance chaud pendant la chute – froid dans l'intervalle derrière la perturbation peut stabiliser quelque peu la neige et limiter le risque immédiat de très grosses avalanches.
Type de temps de SW
Vidéo 4 (Infra-rouge) à télécharger :
Le mauvais temps dans un flux de Sud-Ouest a mauvaise réputation chez les météorologistes, non pas qu'il soit pire qu'un autre, mais parce que c'est le type de situation où une prévision météorologique précise est particulièrement difficile sur les Alpes.
Ce type de situation se caractérise par un lent déplacement d'Ouest en Est du système avec des zones plus ou moins actives venant par bouffées de Méditerranée qui fournit chaleur et humidité.
Il en résulte des précipitations surtout sur Alpes du Sud, mais pas seulement. En effet du fait de la forme complexe des Alpes pour une telle orientation de l'écoulement, des circulations de moyenne et petite échelle induites par le relief se mettent en place, par exemple une amorce de flux d'Est sur les Alpes du Nord, arrosant localement mais copieusement le versant italien.
Type de temps de SE
Vidéo 5 (Infra-rouge) à télécharger :
Cette situation correspond à une dépression centrée sur le Sud-Ouest de la France ou sur la Méditerranée. La perturbation s'organise sur la Méditerranée où elle pompe chaleur et humidité et le flux à l'avant de la dépression vient buter sur le versant Est des Alpes. Noter en particulier le développement explosif des nuages sur les Alpes vers la fin de l'animation (1900h)
C'est le temps à « Lombarde », ce vent du secteur Est qui souffle violemment sur les crêtes. Le mauvais temps déborde la crête frontière mais un fort effet de fœhn (assèchement dynamique de l'atmosphère au passage des montagnes) fait que l'Ouest des Alpes du Nord est épargné.
Le plus souvent, ce type de système se déplace lentement ce qui lui permet de déposer beaucoup de neige sur le versant italien et les massifs frontaliers, Viso, Est du Queyras, Grand Paradis.
Autres
On peut ranger dans cette catégorie fourre-tout des cas particuliers relativement moins fréquents correspondant au cas de dépressions déjà passées et s'éloignant vers l'Est.
Vidéo 6 (visible) à télécharger :
Flux de NE à E : grand froid, peu de neige. Cette situation évolue ensuite vers le « grand beau » de l'anticyclone d'hiver avec un grand soleil enh altitude, du brouillard ou stratus en vallée).
La vidéo n°6 montre un exemple de ce beau temps en montagne. Les Alpes enneigées se dessinent. La plaine du Pô et les contreforts des Préalpes sont sous la couverture de nuages bas.
Vidéo 7 (Infra-rouge) à télécharger :
Retour d'Est : la zone de mauvais temps ayant contourné la dépression revient par l'Est ou le Nord-Est. Diverses variants sont possibles selon la latitude de la dépression.
La vidéo n°7 montre un exemple d'enchaînement. On part d'une situation de Sud-Ouest, puis une dépression se creuse sur la zone frontale lorsqu'elle arrive sur la Méditerranée induisant une situation de Sud-Est sur les Alpes, ensuite la dépression se déplace vers les Balkans et l'on obtient pour finir un retour d'Est sur le versant Nord des Alpes Suisses
La grosse difficulté de la prévision météorologique est que le chaos – au sens mathématique du terme – règne sur l'atmosphère. Cela signifie que, du fait de la cohabitation de toutes les échelles d'espace et de temps dans l'atmosphère et des interactions entre elles, deux états de l'atmosphère qui n'ont entre eux qu'une différence minime – le fameux « battement d'aile d'un papillon » – vont au bout d'un certain temps évoluer de manière complètement différente. Autrement dit, pour pouvoir prévoir l'état futur de l'atmosphère il faudrait en connaître la totalité de l'état actuel jusqu'à l'échelle moléculaire. Cette connaissance étant matériellement impossible, la prévision météorologique est impossible. Et voilà !
Cependant comme la divergence d'évolution entre deux états voisins est progressive, on peut dire que a) mieux on connaît l'état initial, mieux on peut prévoir l'évolution, b) quoi que l'on fasse l'incertitude sur la prévision augmente avec l'échéance, et c) on estime aujourd'hui que l'horizon limite au delà duquel la prévision restera inaccessible est de l'ordre de deux semaines. Sachant que pour préparer un week-end de ski-alpinisme en car-couchettes il faut une prévision à 5 jours, du mardi pour le dimanche, tous les espoirs sont permis, l'expérience montre que sur les dernières décennies on a réussi à gagner un jour d'échéance tous les dix ans.
Commençons par illustrer cette cohabitation des différentes échelles dans l'atmosphère. En fait, toutes les vidéos présentées plus haut illustrent ce fait, mais en voilà deux autres images.
Figure 1
La figure 1 est une carte météorologique montrant le mouvement de l'atmosphère aux environs de 5500 m d'altitude. Les lignes sont les lignes de niveau de la surface fictive où la pression atmosphérique est de 500 hectopascals, soit vers le milieu de l'atmosphère. Un relief se dessine de trous, sur la Mer du Nord et le Labrador, et de bosses, ligne de crête sur le méridien 20 °W. Le vent est tangent à ses lignes et s'écoule en gros de l'Ouest vers l'Est (sauf autour des creux!). Cette carte dessine le mouvement de l'échelle des grandes perturbations de plusieurs miliiers de kilomètres de dimension.
Figure 2
La figure 2 est une image de Méteosat dans les longueurs d'onde du visible. C'est au lever du soleil sur l'Europe. Le soleil est à l'Est (on s'en doutait...) et peu élevé ce qui produit des ombres bien marquées dessinant le relief de la couverture nuageuse. Une petite perturbation centrée sur la Suisse étend ses « fronts » vers la Méditerranée et la Mer du Nord. Ailleurs, un fatras de phénomènes nuageux de toutes tailles, inorganisés en apparence, illustre la complexité du problème. On note tout de même que les Pyrénées, par leur effet de barrière imposent une organisation à leur échelle.
Les outils
Aujourd'hui la prévision est basée sur des ordinateurs sur lesquels on fait fonctionner des logiciels de simulation numérique de l'atmosphère, appelés « modèles numériques de prévision » dans le jargon. Ces simulateurs appliquent par le calcul les équations de la mécanique et de la thermodynamique à un état initial de l'atmosphère défini à partir de l'ensemble des observations météorologiques, et permettent d'obtenir la description d'un état futur. Il n'existe pas d'outil numérique qui puisse traiter à lui seul la totalité des échelles depuis la prévision locale pour l'après-midi à la prévision mondiale pour dans une semaine – ou plus exactement il n'existe pas encore d'ordinateur assez puissant pour mettre en œuvre un tel outil – ce qui contraint les opérateurs météorologiques à entretenir toute une panoplie de modèles numériques. Nous y reviendrons plus loin.
Les produits destinés aux utilisateurs sont soit fabriqués automatiquement à partir des résultats de calcul des modèles de prévision (post-traitement par des logiciels spécialisés, exemple carte de vent prévu à la surface de la mer) soit élaborés par des prévisionnistes (exemple bulletin pour la montagne sur répondeur téléphonique ou accessible par Internet), soit (souvent) des produits automatiques validés ou corrigés par des prévionnistes (exemple des bases de données du temps prévu qui serviront elles-mêmes à générer les pictogrammes d'un affichage sur Internet).
Les progrès de la prévision numérique réduisent peu à peu le domaine de pertinence de l'expertise humaine. De ce point de vue, la montagne reste un « îlot de résistance » : la complexité du problème d'adaptation locale fait que le prévisionniste humain a encore – mais probablement pas pour longtemps – la possibilité d'apporter de la valeur ajoutée à la production des outils numériques.
Simulation numérique de l'atmosphère
Un modèle numérique d'atmosphère, c'est assez compliqué au niveau des détails de la mise en œuvre, mais en tant que concept c'est très simple. Le fluide atmosphérique est de l'air en déplacement, plus ou moins chaud, plus ou moins humide, contenant plus ou moins d'eau liquide ou de glace, constituant les nuages. On le décrit par les valeurs des paramètres pression atmosphérique, température, humidité de l'air, vitesse et direction du vent, contenu en eau liquide à un instant donné aux points d'un treillis de plusieurs milliers de points.
Figure 3
La figure 3 illustre un type de maillage tridimensionnel utilisé pour la représentation numérique de l'atmosphère. La surface terrestre est couverte d'un pavage de « boîtes » dont les dimensions horizontales typiques vont, selon le type de modèle, du kilomètre à la centaine de kilomètres, tandis que l'épaisseur va de quelques mètres au kilomètre. Les couches successives s'empilent comme des pelures d'oignon, l'épaisseur des couches de « boîtes » augmentant avec l'altitude.
Chaque « boîte » est alors considérée comme un « point » et on affecte à ce « point » la valeur moyenne des différents paramètres pour la « boîte » qu'il représente. Nous avons ainsi notre représentation numérique de l'atmosphère à un instant donné, pour autant que nous soyons capable d'affecter une valeur à chaque paramètre en chaque point à partir des observations météorologiques disponibles au voisinage de cet instant.
Il ne reste plus qu'à faire évoluer ces valeurs pour prédire l'état futur. Pour cela on applique les équations de la mécanique et de la thermodynamique à notre atmosphère numérique. Là encore, si on s'en tient aux grandes lignes c'est très simple. Ces équations sont la loi fondamentale de la mécanique (si on applique une force on crée un mouvement), la loi fondamentale de la thermodynamique (si on apporte de la chaleur on échauffe) plus l'équation d'état d'un gaz reliant pression et température et les équations de conservation de la masse et de la vapeur d'eau au cours du mouvement.
Si on entre dans le détail cela devient plus compliqué d'une part parce que le traitement numérique de ces équations n'est pas trivial, d'autre part, et surtout, parce que l'atmosphère n'est pas très coopérative. Son comportement chaotique, déjà mentionné plus haut fait que l'idée même de représenter le fluide continu par des valeurs en un nombre fini de points séparés pose de sérieux problèmes théoriques et pratiques. Il fait aussi que le modèle, aussi perfectionné soit-il, ne peut jamais être une représentation exacte : cet écart même minime au départ entre calcul et réalité fait que l 'état prévu de l'atmosphère est obligatoirement incertain avec une marge d'incertitude qui augmente dans le temps.
En pratique
Prenons l'exemple de Météo-France. Quotidiennement la prévision met en œuvre trois étages de simulation :
Modèle européen (European Centre for Medium-range Weather Forecast, Reading, UK). Il a une couverture mondiale avec une maille de 20 km. Il est utilisé pour la prévision de 2 à 15 jours (pratiquement sans valeur au delà de dix jours). Pour chaque prévision, 50 prévisions différentes sont effectuées en perturbant légèrement les conditions initiales (prévision d'ensemble) de manière à explorer en partie l'univers des états possibles auxquels l'atmosphère pourrait aboutir en partant de l'état initial du jour. Cela permet une approche probabiliste de la prévision. L'indice de confiance donné par Météo-France pour les prévisions au-delà de quatre jours est basé sur ces résultats.
Modèle français ARPEGE. Sa couverture est mondiale avec une maille de 10 km sur la France. Il sert pour la prévision jusqu'à quatre jours. Il est aussi accompagné d'une prévision d'ensemble optimisée pour explorer les échéances proches.
Modèle français AROME. Il couvre un domaine de 1300 km x 1500 km avec une maille de 2,5 km. Il est « non-hydrostatique », c'est-à-dire qu'il a la capacité de traiter explicitement les fortes vitesses verticales associées aux nuages d'orages. Il sert pour la prévision jusqu'à 30 heures, soit en pratique, le matin pour la journée et le soir pour le lendemain. Son objectif principal est l'identification des phénomènes dangereux, orages ou fortes pluies.
Ces modèles visent des échelles spatio-temporelles différentes : plus on regarde large et loin moins on peut voir de détails. Les bulletins de prévision dérivés des productions de ces différents modèles ont des apparences voisines mais offrent des informations de nature différente pour l'utilisateur.
Avant d'entre plus dans le détail à ce sujet, notons que, en particulier, la montagne n'a pas la même allure dans les différents modèles. C'est ce que montre la figure 4.
Figure 4
L'image de gauche présente l'image des Alpes vues par ARPEGE (maille de 10 km). Ce relief adouci pourra jouer le rôle de barrière et le modèle pourra représenter les effets qui en découlent mais pas les effets de dimension inférieure. L'image de droite est celle de AROME avec une maille de 2,5 km. Les grandes vallées et les différents massifs deviennent visibles. Avec ce modèle on pourra voir par exemple l'effet d'abri de la crête Thabor-Olan par flux d'Ouest à Nord-Ouest.
Les bulletins de prévision
Prenons l'exemple de skieurs-alpinistes parisiens qui préparent leur week-end dans les Alpes. Ils s'intéressent au temps qu'il fera le dimanche et se procurent chaque jour le bulletin « Montagne » de Mété-France. En fonction de l'échéance et donc du modèle numérique sur lequel le bulletin est fondé, le type d'information qu'ils reçoivent concernant le temps du dimanche est le différent :
Le mardi et le mercredi le bulletin décrit un scénario (mais il pourrait y en avoir d'autres) et donne un indice de confiance. L'échelle de l'indice de confiance va de 1 à 5 mais les niveaux 1 et 5 ne sont pas utilisés. Le niveau 2 signifie « confiance plutôt faible dans la réalisation du scénario », 3 « confiance moyenne » et 4 « confiance plutôt forte ». Parfois, le rédacteur du bulletin s'essaye à plus de précision, donnant par exemple une chronologie sur samedi et dimanche. Cette précision est assez largement illusoire en l'état des techniques au début 2013.
Le jeudi et le vendredi le scénario est maintenant raisonnablement certain et on peut entrer un peu plus dans le détail, par exemple indiquer le passage ou non d'une perturbation dimanche, même si la chronologie n'est pas garantie. On aura aussi une description plus ou moins précise au niveau du massif.
Enfin, le samedi le bulletin dit le temps qu'il fera demain .
Il faut noter que le découpage ci-dessus n'est pas complètement rigide. D'une part la prévisibilté n'est pas la même pour toutes les situations. Dans le cas d'un anticyclone bien installé, il n'est pas nécessaire d'attendre la veille du jour J pour dire qu'il fera grand beau. D'autre part, l'appréciation du niveau de risque que l'on peut prendre en annonçant des détails incertains dépend non seulement des rédacteurs des bulletins, mais même du service auquel ils appartiennent. C'est ainsi que actuellement dans les bulletins de MétéoSuisse, c'est dès le mardi, au lieu du jeudi pour Météo-France que l'on trouve une prévision pour le dimanche présentée comme une certitude. Et le découpage change au fil des années avec l'amélioration de la prévision numérique.
Dans la section suivante, mous reviendrons sur la question de la fiabilité de la prévision en essayant de donner des indications quantitatives sur l'évolution de l'incertitude en fonction de l'échéance. Mais regardons d'abord l'exemple des bulletins de Météo-France pour le dimanche 2 décembre 2012 sur les Hautes-Alpes et la Savoie, exemple choisi au hasard.
Prévisions pour le dimanche 2 décembre 2012 |
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Hautes-Alpes |
Savoie |
le mardi |
De samedi 1 à mardi 4 . Froid. Temps froid avec un ciel partagé entre éclaircies et passages nuageux pouvant donner quelques giboulées. Les nuages sont plus nombreux sur le relief proche de l'Isère et de la Savoie tandis que les éclaircies prédominent par moment sur le sud des Hautes-Alpes, la vallée de la Durance et les massifs situés à l'est ainsi que dans la vallée de l'Ubaye. (Indice confiance sa et di est 3/5) |
Samedi 1 et dimanche 2 : Le refroidissement s'accentue de nouveau, dans un courant d'altitude de Sud-Ouest faible Samedi, puis d'Ouest plus rapide Dimanche. Journées partiellement ensoleillées, quelques averses de neige Dimanche après-midi. Indice confiance 3/5. |
le jeudi |
Le ciel est par moment nuageux sur le relief proche de l'Isère et de la Savoie tandis que des éclaircies sont présentes au sud et à l'est |
Ciel nuageux avec de très faibles chutes de neige jusqu'en basse vallée essentiellement sur le Nord de la Savoie. |
le samedi |
Rapidement en matinée, des nuages prennent d'assaut les régions voisines de la Drôme, de l'Isère et de la Savoie. Ils apportent quelques flocons du Bochaine au Thabor qui finissent tout au plus par former un léger saupoudrage d'ici la fin de journée. Sur les autres régions et l'Ubaye, de belles éclaircies résistent. |
Le ciel est couvert et les reliefs sont parfois dans les nuages. De faibles chutes de neige débutent le matin avec une limite pluie-neige en plaine, elles se terminent en soirée après avoir déposé 3 à 12 cm de neige au sol. |
vérification |
A Orcières, beau le matin, se couvre en milieu de journée avec faibles chutes de neige dans l'après-midi. Belle journée en Queyras et Ubaye |
A Courchevel, couvert toute la journée avec faibles chutes de neige. |
La vidéo 8 montre ce qui s'est passé le dimanche. On est dans un type de temps d'Ouest avec un effet d'abri très marqué de la crête Thabor-Olan pour les Alpes du Sud.
On voit bien sur l'image satellitaire les Alpes du Sud qui semblent émerger des nuages comme un pied de sous la couverture.
Le rédacteur du bulletin de mardi pour les Hautes-Alpes donne beaucoup de détails, jusqu'au niveau des différents massifs et vallées. Il n'aurait pas dû, cela aurait évité de dire des choses incorrectes ! Il n'aurait pas dû en réalité en écrire plus que le rédacteur du bulletin du jeudi, qui ne contient pas plus d'information que celui de mardi mais qui au moins ne donne pas une fausse impression de précision. Le bulletin de samedi donne des précisions justifiées. Il est tout à fait juste pour le Nord du département sur lequel le mauvais temps venant de l'Isère déborde un peu, un peu moins bon pour le Sud qui a eu du grand beau toute la journées au lieu de « belles éclaircies qui résistent ». Mais ne chipotons pas, il s'agissait d'une bonne prévision.
Pour la Savoie la prévision était bonne aussi mais le même problème s'est produit pour le bulletin du mardi : le prévisionniste de Bourg-Saint Maurice, peut-être encouragé par un indice de confiance de 3/5 s'est laissé aller à annoncer « quelques averses de neige dimanche après-midi » ce qui implicitement exclut qu'il puisse y en avoir le matin. Impossible, en réalité, d'avoir une telle précision dans la chronologie 5 jours à l'avance ! En fait il y a eu des averses de neige toute la journée.
On peut regretter d'une manière générale que les bulletins montagne utilisés par des spécialistes que sont les skieurs-alpinistes soient aussi « verbeux ». Ils gagneraient à être plus techniques, plus formatés, comme le sont les bulletins pour les marins.
Nous allons voir d'abord les incertitudes qui pèsent sur la production des modèles numériques dans leur capacité à simuler le comportement de l'atmosphère. Puis nous verrons un peu la statistique des erreurs lorsque cela est transcrit en termes de temps qu'il fait, le temps concret auquel nous sommes sensibles.
Fiabilité de la modélisation numérique
Figure 5
Le risque d'un écart entre la simulation numérique et l'atmosphère réelle est d'autant plus grand que l'échéance est lointaine, il augmente même d'autant plus vite que l'échéance est lointaine. C'est ce que montre la figure 5. Le paramètre présenté sur cette figure mesure une « distance » entre la vraie topographie de la surface 500 hpa et celle prévue par le modèle (voir la figure 1 qui donne un exemple de carte de cette surface, représentative de la circulation atmosphérique vers 5500 m d'altitude). On peut constater que l'erreur augmente deux fois plus sur les jours J+3 et J+4 que sur J+1 et J+2. On comprend ainsi pourquoi la dégradation de fiabilité est très rapide lorsqu'on essaye de voir trop loin.
La dégradation n'est pas uniforme, ni dans le temps, ni dans l'espace. Il y a des situations plus prévisibles que d'autres. Par exemple, avec un bel anticyclone d'hiver, bien installé, on peut savoir que l'on a plusieurs jours de beau temps devant soi avant que les signes d'affaiblissement n'apparaissent. Et pour une situation donnée, l'atmosphère peut être plus stable, donc plus prévisible dans certaines régions que d'autres. Nous allons illustrer cela avec les cartes de « spaghetti » de la Figure 6 (extraites de http://www.wetterzentrale.de/topkarten/fsenseur.html puis « 500hpa Geopot. Spaghetti »)
Figure 6
« Spaghetti » à 500 hpa, pour une échéance de 5 jours. En haut le 11/12/12 pour le 16/12 et en bas le 16/12 pour le 21/12.
Ces cartes sont dérivées du type de celle que montre la figure 1 : topographie de la surface fictive où la pression vaut 500 hpa. On n'a gardé que trois lignes de niveau (5160, 5520 et 5760 m), mais en les prenant dans vingt membres de l'ensemble de prévisions faites toutes le même jour en modifiant l'état initial, un peu différemment pour chacun des membres. Sur la carte du haut produite le 11 décembre pour le 16 on a affaire à une situation assez bien prévisible sur l'Europe car le fuseau des spaghetti y est compact. C'est nettement plus instable sur l'océan entre Irlande et Groenland. La carte du bas produite le 16 pour le 21 décembre, soit à la même échéance de cinq jours pour la prévision, montre au contraire une situation complètement imprévisible sur l'Europe. Les différentes prévisions de l'ensemble présentent des morphologies opposées. On ne sait si on sera sous un creux ou une bosse ce qui correspond à des types de temps radicalement différents, du pire au meilleur.
Il n'est pas mauvais de jeter un coup d’œil à ces cartes facilement accessibles sur Internet lorsque l'on consulte un bulletin de prévision pour plusieurs jours à l'avance. Cela donne très rapidement une idée graphique de la fiabilité de la rédaction qu'on a sous les yeux !
Pour terminer ce chapitre, un mot sur l'évolution au fil des années de la qualité de la production de prévision numérique.
Figure 7
Cette figure présente l'évolution de 2008 à 2013 du même paramètre que celui qui est présenté en Figure 5 (distance entre les valeurs prévues et la réalité pour l'altitude de la surface 500 hpa) pour la prévision deux jours à l'avance des principaux modèles du monde météorologique. Les courbes sont certes un peu chaotiques, mais la tendance est celle d'une amélioration continue. En moyenne, on gagne l'équivalent d'un jour d'échéance tous les dix ans (par exemple, la prévision à cinq jours a aujourd'hui la même qualité que la prévision à quatre jours en 2003).
Notons au passage que si le graphique avait présenté les résultats pour la prévision à 24 heures au lieu de 48, il aurait été l'occasion d'un cocorico ! Le modèle français est très récemment devenu le meilleur à cette échéance, passant devant le modèle européen (ECMWF) ce qui n'était jamais arrivé. Pourvu que ça dure.
Statistiques des erreurs sur le temps concret
Figure 8
La figure 8 donne le taux de réussite sur les paramètres de la base de données quantifiées prévues à Météo-France. Il s'agit de valeurs ponctuelles calculées automatiquement mais expertisées par des spécialistes humains avant mise à disposition des utilisateurs.
Le « temps présent » c'est le temps qu'il fait (RAS=Rien A Signaler, précipitations ponctuelles ou généralisées, orages, brouillards ponctuels ou généralisés). « Pluie 24 » est la quantité tombée en 24 heures, ce qui est plus difficile à faire qu'un simple pluie – non pluie.
Le graphique montre la diminution de qualité de J+1 à J+3. Curieusement, la décroissance ne s'accélère pas avec l'échéance comme pour la production brute des modèles. Ceci indique peut-être que pour J+1 le prévisionniste humain est encore capable d'apporter une plus-value.
Les prévisions de données quantifiées ne sont pas produites au delà de J+3 car les risques de grosses inexactitudes sur la situation d'ensemble rendent un peu illusoire l'estimation ponctuelle de paramètres quantitatifs.
Aparté sur la signification de « taux de réussite » et des statistiques météorologiques
[ Cette section n'est pas nécessaire à la compréhension d'ensemble. Il suffit au lecteur pressé de la sauter ]
Le taux de réussite est le rapport du nombre de bonnes prévisions au nombre total de prévisions. C'est cette quantité qui est généralement utilisée par les producteurs de prévisions pour communiquer avec leur clients, tout simplement du fait de la simplicité de ce paramètre et de la facilité avec laquelle on peut dire ce qu'il représente.
Le taux de réussite est cependant une mesure très incomplète de la qualité des prévisions, et ce pour trois raisons : sa signification dépend de la climatologie du phénomène, une prévision au hasard peut avoir un taux de réussite élevé et enfin il ne dit rien sur les éventuels biais de la prévision.
Prenons l'exemple d'une prévision pluie – non pluie sur la journée. À Paris, pour une année normale on a 70 % de jours sans pluie et 30 % de jours avec pluie. Notons déjà que la « prévision » triviale qui consisterait à annoncer chaque jour absence de pluie pour le lendemain aurait un taux de réussite de 70 % ! Une prévision au hasard respectant la climatologie du phénomène, c'est-à-dire annonçant la pluie dans 30 % des cas, aurait un taux de réussite de 60 %. Pas si mal ! Le taux de réussite de Météo-France est de 80 %, il y a donc une vraie réussite, mais cette valeur élevée donne une impression un peu fausse. Il serait plus précis de dire que la qualité est à mi-chemin entre les 60 % de la prévision au hasard et les 100 % de l'inaccessible prévision parfaite, mais c'est une notion plus difficile à saisir et à expliquer.
Si on s'intéressait à la même prévision de pluie-non pluie pour la capitale de l'Égypte la situation serait différente. Au Caire il y a normalement 96 % de jours sans pluie. Une prévision au hasard a alors un taux de réussite phénoménal de 92 %. Il faudra donc arriver à un taux de réussite de 96 % pour être à mi-chemin entre le hasard et la perfection et obtenir ainsi le même niveau de qualité qu'avec un taux de réussite de 80 % à Paris.
Quand au problème de biais éventuels, qui n'est heureusement gênant que pour un petit nombre d'utilisateurs, il est également masqué par la référence au taux de réussite. Il faut pour le découvrir regarder des statistiques plus complètes comptant les cas où le phénomène s'est produit sans être prévu (non détection) et ceux où il ne s'est pas produit alors qu'il était prévu (fausse alerte). À titre d'illustration on peut indiquer que sur l'année 2011, la célèbre « vigilance orange » de Météo-France a eu un taux de réussite de 86 % avec 2 % de non détection et 14 % de fausses alertes, c'est à dire un certain biais vers le pessimisme.
Quantité de sites WEB donnent de l'information météorologique dont beaucoup offrent des prévisions. Ils ont souvent le défaut de ne pas indiquer la source de leur information. Pour juger de la qualité, il ne reste plus qu'à retrousser les manches et se mettre au travail. Il y a de nombreuses difficultés à juger de la qualité d'une source de prévisions ou de comparer la qualité de deux sources différentes, principalement du fait que l'information peut être bonne ou mauvaise par hasard (voir la section sur le taux de réussite ci-dessus). Il faut donc appliquer une méthodologie rigoureuse sur le plan statistique ce qui suppose connaissances, rigueur et persévérance.
On se contentera de donner ici un échantillon minimal de sources d'information pour la météorologie en montagne sur les Alpes et les Pyrénées, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en a pas d'autres.
Il faut rappeler pour commencer que pour savoir le temps qu'il fait en montagne – sans que cela dise le temps qu'il va faire – une source d'information intéressante se trouve dans les images des nombreuses webcams présentes dans les stations de sports d'hiver. Google saura vous trouver celles qui vous intéressent.
France
Le site de Météo-France offre une rubrique « Montagne » spécialisée :
http://france.meteofrance.com/france/montagne
On y trouve une prévision météorologique jusqu'à quatre jours pour une sélection de stations de ski. Ces prévisions sont présentées sur des cartes sous forme de pictogrammes dont certains d'une signification plutôt vague. Ce sont évidemment les cas où une information plus explicite serait utile ! On peut obtenir le bulletin complet de prévision pour la montagne dans la partie payante du site. Ce bulletin pour les neuf prochains jours est le même que celui que l'on obtient par des répondeurs téléphoniques et il coûte moins cher par Internet . Le cheminement, un peu laborieux est > Espace Services > Particuliers > se connecter avec adresse e-mail et mot de passe > Prévisions > Prévi-Info > Configurer (choisir département puis bulletin montagne puis la durée d'abonnement ; « 24 heures » permet d'avoir tous les bulletins publiés pendant une période de 24 heures, c'est-à-dire en pratique le bulletin deux jours de suite pour 2,39 €).
Dans la rubrique « Montagne » on a accès gratuitement à l'information nivologique : bulletins neige et avalanches qui incluent souvent une prévision météorologique sommaire, bulletin d'analyse hebdomadaire du manteaux neigeux, relevés de haute-montagne. Ces « relevés de haute-montagne » sont les mesures brutes effectuées par des stations automatiques placées en altitude (18 sur les Alpes françaises et 9 sur les Pyrénées). Elles permettent de se faire une bonne idée de la quantité de neige tombée, mais il faut s'habituer à s'en servir : à titre d'exemple, la station « La Meije » donne rarement des mesures significatives de hauteur de neige car, mal située, elle est très sensible au vent.
Suisse
Le site de MeteoSuisse a aussi une rubrique spécialisée pour la prévision en montagne :
http://www.meteosuisse.admin.ch/web/fr/services/meteo_alpine/meteo_alpine.html
Toutes les informations de cette rubrique sont payantes. Par répondeur la communicaétion coûte 1,2 FS/minute. Par Internet un bulletin individuel est tarifé 5,0 FS.
On obtient cependant des renseignements intéressants avec le bulletin gratuit non spécialisé :
http://www.meteosuisse.admin.ch/web/fr/meteo/previsions_en_detail.html
Le territoire est découpé en trois zones, Suisse romande, Suisse alémanique, Sud des Alpes. Ces zones ne sont pas très grandes et vu l'omniprésence de la montagne dans ce pays, les bulletins ne sont pas si différents des bulletins départementaux pour la montagne en France.
Ils présentent les prévisions pour les quatre ou cinq prochains jours (selon l'heure de la journée, c'est-à-dire la disponibilité de production des modèles numériques) et les tendances pour les jours suivants.
En Suisse ce n'est pas le service météorologique qui s'occupe de neige et avalanches mais un organisme spécialisé, le SLF (Schnee und Lawinen Forschung = Institut pour l'étude de la neige et des avalanches) :
http://www.slf.ch/lawinenbulletin/index_FR
Ce site WEB est magnifique, très bien fait et très complet. On y trouve non seulement les bulletins traditionnels de risque (un bon point : une version imprimable est disponible), mais aussi des cartes détaillées de hauteur de neige, d'épaisseur tombée en un et en trois jours, ainsi que des diagrammes de stabilité du manteau.
On se prend à rêver du jour où tous les services de prévision du risque d'avalanche prendront la SLF pour modèle !
Italie
En Italie les choses sont un peu compliquées. Il y a une concurrence entre service public national, services publics régionaux et service privé.
Le site de service public national est celui des troupes alpines en coopération avec les Eaux et Forêts et le Service Météorologique de l'Armée de l'Air :
Le versant italien des Alpes est découpé en cinq secteurs, les Apennins en quatre secteurs. L'information comporte à la fois la météorologie et la nivologie. Il donne aussi accès aux mesures de stations automatiques en altitude
Les sites des services régionaux sont tous accessibles à partir du site de l'AINEVA (une sorte d'équivalent de l'ANENA en France) :
Les services sont au nombre de sept, couvrant le versant italien de l'arc alpin : Piémont, Val d'Aoste, Lombardie, Trento, Bolzano, Veneto et Frioul. Ils fournissent prévisions météorologiques et prévisions du risque d'avalanche. L'ARPA (Agenzia Regionale per la Protezione dell'Ambiente) de Lombardie offre en plus un accès aux mesures de ses nombreuses stations automatiques d'altitude. Les bulletins des ARPA du Piémont et de Lombardie ont bonne réputation dans le milieu des skieurs-alpinistes.
Enfin il existe (au moins) un site appartenant à une société privée, IlMeteo.it :
http://www.ilmeteo.it/portale/valanghe-neve?refresh_ce
Il traite lui aussi à la fois de météorologie et nivologie.
Au fil des jours on peut noter des incohérences entre ces différentes sources, ce qui pour des bulletins de sécurité est un peu ennuyeux. En même temps, on peut se consoler en prenant cela pour un rappel de la caractéristique fondamentale de la prévision nivo-météorologique : la présence plus ou moins palpable de l'incertitude. L'existence de bulletins différents pour la même zone permet de se faire une idée de la marge d'erreur (en supposant tous les bulletins de qualité égale!).
Espagne
Le site de AEMet (Agencia Estatal de Meteorologia) comporte une rubrique montagne :
http://www.aemet.es/es/eltiempo/prediccion/montana
Pour les Pyrénées le découpage est celui des régions espagnoles, Navarre, Aragon, Catalogne. Publiés quotidiennement à 15 heures, les bulletins météorologiques et nivologique sont gratuits et bien détaillés.
Pour affirmer sa volonté d'autonomie, la région de Catalogne a décidé de se doter d'un service météorologique et d'un service nivologique. L'un fournit la prévision météorologique et l'autre la prévision nivologique. Tous deux ne parlent que le catalan (risque d'avalanches = perill d'allaus).
http://www.meteo.cat/servmet/prediccio/pirineu/index.html
http://www.igc.cat/web/ca/allaus_butlleti.php
Il semble cependant que les bulletins nivologiques espagnol et catalan soient coordonnés.
En prime le Conselh Generau d'Aran(Conseil Général D'Aran ) publie sa propre production :
http://www.lauegi.conselharan.org/index.php?lang=catalan
En plus du bulletin de risque d'avalanche, ce site donne accès à des mesures de stations automatiques d'altitude et présente les profils stratigraphiques en onze points de son domaine. Les données d'Aran sont partagées avec le service catalan et aussi l'AEMet.
Pour être complet, il faut signaler que la Principauté d'Andorre dispose de son propre bulletin de risque d'avalanches :
http://www.iea.ad/index.php?option=com_content&view=article&id=237&catid=40&Itemid=110
Ce bulletin est publié en catalan. Il est préparé par Météo-France (Centre de Perpignan).
Les mesures de terrain concernant la neige font l'objet d'un échange organisé entre l'Espagne et la France.
Que retenir, finalement, de ce survol des relations dans le ménage à trois atmosphère, montagne et météorologie ?
La montagne est en général une source de complications parce qu'elle induit des perturbations dans le mouvement de l'atmosphère, perturbations d'autant plus difficiles à saisir qu'elles sont plus locales et leurs dimensions plus faibles. Elle peut cependant être aussi une aide à la prévision, d'une certaine manière, lorsque les perturbations qu'elle induit sont d'assez grande échelle et deviennent reproductibles dans des cas identifiés qui peuvent alors être annoncés. C'est le cas par exemple des effets de la crête Thabor-Olan qui abrite les Alpes du Sud par temps de W à NW. A plus petite échelle, c'est le cas de « l'âne sur le Mont-Blanc », ce nuage stationnaire au dessus du sommet, traduisant la présence de vents forts et d'humidité dans l'atmosphère moyenne, généralement liés à l'arrivée du mauvais temps sur Chamonix.
La météorologie fait ce qu'elle peut, et elle le fait de mieux en mieux. Développant constamment les outils perfectionnés – satellites et ordinateurs – dont elle dispose depuis une quarantaine d'années, elle fait reculer patiemment les limites de l'imprévisible : une journée d'échéance de prévision gagnée à peu près tous les dix ans. Le reproche que l'on pourrait faire aux services de prévision pour la montagne est moins sur le contenu que sur le contenant. Au lieu d'être des efforts littéraires, parfois poétiques, les bulletins pour la montagne gagneraient à être plus techniques, formatés rigoureusement et à ne pas donner l'illusion de détails à des échéances où les détails sont imprévisibles. En prévision météorologique, l'humilité est de rigueur !
Le vrai problème c'est l'atmosphère ! Déjà, il y a l'eau, et elle change facilement d'état – vapeur, liquide, glace – dans la gamme des températures où nous vivons. C'est une grosse complication. Mais comme si cela ne suffisait pas, il y a les « battements d'ailes de papillon » : au bout de deux semaines le hasard est intervenu et a coupé toute relation de cause à effet, il n'y a plus de possibilité de prévoir l'état futur à partir de l'état initial. On emploie souvent l'expression « erreur de prévision », à tort à vrai dire. Il vaudrait mieux parler d'incertitude. « Erreur » donne à penser qu'il suffit de corriger, alors que en fait l'incertitude est inhérente au comportement de l'atmosphère.
Confronté à ce trio infernal, l'alpiniste ou skieur-alpiniste qui veut tirer parti de l'information météorologique disponible ne doit pas se comporter en consommateur idiot. Il doit connaître les limites du système et apprendre à se faire sa propre idée de l'incertitude de la « prédiction » qu'on lui fait. Cela demande un peu d'apprentissage et quelques efforts. Une bonne approche est de confronter les bulletins de prévision à de l'information plus brute, c'est-à-dire généralement considérée comme d'usage professionnel, mais que l'on peut assez facilement comprendre (ou en tous cas se faire expliquer par plus expérimenté), et qui est disponible sur Internet.
Un bon point de départ est le site Topkarten (bien qu'il ne soit pas très didactique) :
http://www.wetterzentrale.de/topkarten/
Voir en particulier, avec le menu en haut à gauche les rubriques « Diagramme » (pour visualiser en cliquant sur une carte le météogramme du point choisi, c'est-à-dire l'évolution du temps en ce point sous forme graphique), « ECMWF » (pour les cartes « 500hpa,SLP » cartes de pression de surface et topographie de la surface 500hpa), « ENS », prévision d'ensembles (entre autres pour les « spaghetti » mentionnés dans la section sur la fiabilité des prévisions).
Bonnes courses
Et juste pour finir sur une note récréative, voici une belle vidéo d'imagerie infra-rouge de Météosat montrant en accéléré un type de temps d'Ouest persistant sur trois jours du 13 au 16 décembre 2012, donnant une accumulation de neige particulièrement forte sur les Alpes du Nord, moindre sur Alpes du Sud et Pyrénées :