Nous repartons
le 22 juillet vers notre principal objectif, la fameuse montagne qui
fait de nos rêves les plus beaux que nous n'ayons jamais eus : l'Alpamayo.
Pour s'en approcher, il faut commencer par refaire une partie du trek.
Nous sommes beaucoup plus chargés que la dernière fois car nous avons
tout le matériel technique de montagne : deux piolets chacun, cordes
en plus grand nombre, broches à glace, pieux à neige et dégaines.
Les porteurs du Chopicalqui sont revenus nous voir : nous ne devons
pas être de si mauvais clients que ça. Nous engageons donc deux porteurs
et un muletier avec deux mules. Les porteurs ne porteront nos affaires
qu'au-dessus du camp de base, là où les mules font demi-tour pour
redescendre. Le premier jour nous reprenons un collectivo jusqu'à
Cashapampa, puis nous remontons la même vallée encaissée que deux
semaines auparavant. Nous dormons un peu plus loin que Llamacoral
pour éviter de se retrouver avec 50 autres touristes. La tentative
de pâtes au dîner est toujours aussi lamentable du point de vue culinaire.
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Nous entamons les rappels de descente dans notre voie
de montée. Au milieu de la descente, il se met à neiger. L'ice-flute
que nous descendons devient un véritable torrent de neige. Nous arrivons
enfin à la rimaye. La trace qui mène au camp a complètement disparu
sous la neige, il nous reste à peine plus d'une demi-heure de jour.
Il neige toujours, le brouillard se déchire parfois mais ne nous permet
pas de repérer nos tentes. Il s'agit d'abord de retrouver l'unique
pont de neige qui permet de traverser une grande crevasse qui barre
tout le glacier en contrebas. La première cordée part devant pour
installer un rappel, trouve le pont de neige. La deuxième cordée part
cinq minutes plus tard, mais elle ne voit déjà plus la première et
la trace a disparu sous la neige. Elle fonce droit vers la crevasse,
à gauche du pont de neige et fait demi-tour alors que le premier de
cordée s'enfonce brusquement jusqu'à mi-cuisse... Dans ces conditions,
au lieu de vouloir gagner quelques minutes, il fallait évidemment
rester groupés. Nous essayons ensuite de suivre l'ancienne trace en
sondant sous la neige fraîche avec un bâton télescopique. Nous restons
bien concentrés, la moindre erreur d'itinéraire et nous risquons d'errer
toute la nuit sur ce glacier, à 5000m. Au bout d'une heure de descente,
le brouillard se déchire et dévoile notre camp à une centaine de mètres.
Jamais nous n'avons été aussi heureux de voir nos tentes !
Nous les atteignons à la tombée de la nuit, vers 19 heures. Les étoiles
entrevues 17 heures plus tôt n'ont pas menti, c'était bien la journée
la plus intense de notre séjour au Pérou. Le lendemain vers 6 heures,
nous jetons un coup d'oeil dehors : il fait un temps splendide, le
soleil se lève sur l'Alpamayo! Nous sommes tous vite dehors pour le
spectacle tant attendu car repoussé à chaque fois : la contemplation
de la face sud-ouest de l'Alpamayo, celle que l'on a gravie la veille,
celle qui lui vaut le titre de "plus belle montagne du monde". Les
quelques moments de bonheur intense dans le froid piquant du petit
matin, hypnotisés par cette montagne qui est là, oui enfin là,
on ne rêve plus, juste en face de nous, sont à la hauteur de toutes
nos espérances et resteront longtemps gravés dans nos mémoires. Nous
décidons de lever le camp, il est trop tard pour faire le Quitaraju
initialement prévu aujourd'hui et nous n'avons pas le courage d'attendre
jusqu'à demain. Nous redescendons du col en deux rappels, dépassons
le camp moraine et nous continuons jusqu'au camp de base où nous nous
installons confortablement dans la cabane de muletier. Le 27 juillet,
nous descendons jusqu'à la route à Cashapampa. Comme la veille, les
sacs sont assez lourds (dans les 25 kilos) puisque nous n'avons plus
aucun porteur. Les sept heures de descente sont plutôt éprouvantes
mais nous sommes assez motivés par l'idée de dormir dans un lit et
de manger autre chose que des pâtes pas cuites ou des lyophilisés.
Le soir même nous sommes de nouveau à Huaraz, nous nous régalons dans
un restaurant où nous avons désormais nos habitudes, soupe à l'oeuf,
poulet, frites, Cristal (la bière locale) puis détour par le vendeur
de gâteaux et nous nous endormons bien vite, des images - bien réelles
maintenant - plein la tête, le coeur gonflé par le sentiment d'avoir
vécu quelque chose de fort.

Ce sont alors
nos adieux à Huaraz. Comme nous n'avons pas fait le Huascaran mais
le Chopicalqui, plus court, nous disposons de deux jours pour faire
du tourisme. Balades, marchés couvert et non couvert, sites Pré-Incas,
sources d'eau chaude, cinéma local : 8 FRF pour un Mission Impossible
II version piratée sur Internet, en VO inaudible sous-titrée espagnol,
mais vu la complexité du film, les images même mauvaises suffisent...
Adieux à l'hôtel Espana, sa douche plutôt froide et Nelly, patronne
grand-mère, chaleureuse parfois jusqu'à l'envahissement ! Adieux à
la Cordillère Blanche. Retour Lima en bus de nuit. Encore une grosse
nuit !.