Nous profitons de nos deux jours de repos pour récupérer, changer d'hôtel et préparer l'ascension du Huascaran, le deuxième sommet d'Amérique Latine. Au cours de la montée au Pisco, nous avons rencontré des porteurs et leur avons parlé de nos projets. Le service client en Cordillère Blanche est excellent et ce sont six porteurs qui se présentent à nous le lendemain matin de notre retour. Après d'âpres discussions (les premières...) nous nous mettons d'accord avec deux d'entre eux pour les six jours du Huscaran. Le 16 juillet un des deux porteurs que nous avions engagés pour la voie normale du Huascaran nous apprend que trois personnes viennent d'y trouver la mort à cause de chutes de séracs, que la voie reste dangereuse, qu'il ne veut donc pas y aller et que le second porteur est du même avis. Nous sommes dimanche, il est impossible de vérifier ces informations. Nous nous rangeons cependant à son avis et nous nous décidons rapidement pour la voie normale du Chopicalqui. Le sommet est moins haut, mais la voie probablement plus belle.

Coucher de soleil depuis la moraineLe 17, après deux jours à Huaraz, nous reprenons un collectivo avec nos porteurs. Le second ne semble manifestement pas au courant du changement de programme, en particulier pas du fait que nous ne l'employons plus pour six mais trois jours. Secondes discussions, un peu plus difficiles... Le collectivo nous amène à Caraz où nous devons changer de bus. Au début, tout se passe bien, mais le conducteur se rend rapidement compte qu'il a vendu beaucoup plus de tickets que de places disponibles dans sa grosse caisse à savon. Re-discussions parce qu'évidemment le collectivo qu'il nous propose en remplacement ne demande plus le même prix... Re-discussions, donc, les troisièmes et secondes d'une journée qui a pourtant débuté il y a peu de temps. Il est 10 heures. Bonne journée... Finalement, après ces quelques délais nous arrivons au point de départ du Chopicalqui, au-dessus de camp de base du Pisco, au-dessus des lagunes de Llanganuco. En une demi-heure nous atteignons le camp de base, puis nous remontons deux longues moraines interminables. Les porteurs sont lourdement chargés mais montent au même rythme que nous. Dans la dernière montée, nous leur prenons une tente et un peu de matériel pour les alléger. Quelques souffrances intestinales étaleront notre temps de montée entre 3 heures et 6 heures et demi pour le dernier, qui vit un véritable chemin de croix, avec des stations tous les deux mètres où il ne manquera jamais de s'arrêter... Nous sommes finalement tous au camp moraine situé à la base d'une petite falaise. Il y a peu d'eau à ce camp, elle coule la journée en un fin filet le long de la falaise.

Sur l'areteLe lendemain matin, les porteurs montent notre matériel de montagne jusqu'au camp glacier situé sur un petit replat à 5400m. Nous montons un peu plus tard, en fin de matinée. Nous croisons nos porteurs qui redescendent jusqu'en bas pour être à Huaraz le soir même. Un peu déçus de ne pas avoir à nous attendre deux jours et voir leur contrat prolongé, ils ne redescendent rien dans la vallée, ni leur tente, ni les poubelles. Adieux sympathiques et chaleureux... Nous mettons plusieurs heures pour installer le camp : creuser dans la neige pour obtenir quelques terrasses plates pour les tentes est éprouvant à cette altitude. C'est notre premier camp sur neige, le coucher de soleil est magnifique mais nous sommes tous surpris par la brusque baisse de température dès qu'il a disparu (elle passe de +10°C à -10°C en quelques minutes). Le dîner, à l'extérieur, n'en est que plus rapide. Soupe, premiers plats lyophilisés, première rencontre avec ce hachis parmentier en poudre si facilement étouffant. Sans forcément beaucoup manger, on n'en peut vite plus !

Le sommetQuelques heures plus tard, à trois heures et demie, le froid est piquant, il faut s'extirper des duvets. Nous commençons l'ascension de nuit, il faut d'abord rejoindre le col au-dessus du camp qui marque le début de l'arête sud-ouest. Elle est très large au début avec une bonne trace et ponctuée par quelques courtes (50m) sections raides. On évite la dernière partie trop raide de l'arête par une traversée de 100m sur la droite par un passage inquiétant : 20 m sur ce qui ressemble à une plaque à vent, 20 m sous un sérac super menaçant, puis 20 nouveaux mètres de plaque. Nous prenons un écart maximum au sein de chaque cordée, libérant toute la longueur de corde disponible afin de maximiser nos chances de se récupérer en cas de problème et passons l'endroit en courant. Nous sommes à 6000 m, le sprint est éprouvant au possible. Mais nous prenons alors pied sur une arête magnifique, passant enfin au soleil de cette matinée et découvrant la face Est du Chopicalqui striée sur toute sa hauteur d'ice-flutes flamboyants aux premiers rayons. Les derniers mètres sont quelque peu laborieux du fait de l'altitude, mais encore une fois la montagne nous rend au sommet mille fois l'effort investi. Quelques moments magiques, déconnectés de toute réalité matérielle, absorbés tout entier à la contemplation de l'univers merveilleux qui nous baigne; mais vite il faut revenir sur Terre et redescendre si on veut être tout en bas ce soir.

Au sommetNous atteignons le camp que nous démontons rapidement puis nous continuons la descente et malgré quelques problèmes gastriques et des sacs de 25 kg (nous n'avons plus les porteurs et le malade ne porte rien), nous atteignons tous la piste vers 19h le soir même. Il fait nuit. Il n'y a plus beaucoup de circulation à cette heure-ci. De l'endroit où nous sommes, nous pouvons voir le début de la route depuis le col du Chopicalqui. Les lumières de phares que nous suivons une demi-heure avant leur passage devant nous nous créeront d'intenses espoirs et de profondes déceptions. Alors que nous commencions, au bout de deux heures d'attente, à envisager de plus en plus sérieusement le bivouac au bord de la route un camion passe et accepte de nous prendre dans sa benne. D'abord réjouissant, le voyage sur les sacs de grain, entre cochon et cages à poulets, s'avère froid : la benne est tout sauf isolée de l'extérieur mais nous voyons très bien le soleil étoilé. Nous nous arrêtons à Caraz pour la nuit dans un hôtel type rustique profond puis le lendemain matin nous rentrons à Huaraz...

Chopicalqui, 6354m, validé.