Après 12 heures d'avion, 6 heures de sommeil à Lima puis 400 km et 10 heures de bus nous arrivons enfin à Huaraz, petite ville de la moitié nord du Pérou, base de départ pour la Cordillère Blanche et la Cordillère Huayash. Nous avons une seule journée avant le départ pour le trek de Santa Cruz. Elle sera mise à profit pour régler les derniers détails de la randonnée et du sommet. Nous réservons deux porteurs à la Casa de Guias (Bureau des Guides) qui nous rejoindront quatre jours plus tard au pied du Pisco avec notre matériel. Du moins nous l'espérons...
Le taxi qui nous emmène vers le départ du trek est heureux. Sept jeunes européens viennent de lui payer 8 fois le prix normal de sa course. Bonne journée qui commence. A Cashapampa nous avons quitté la vallée moderne. Nous sommes au départ du trek, au bout d'une longue route sableuse à flanc de montagne qui nous a donné nos premières sensations : le permis de conduire péruvien s'obtient au bout d'une seule journée de cours ... Nous étions 10 dans le combi japonais, taxi appelé collectivo, qui nous a montés. Dix plus un sac de grains de 25 kg et un cochon noir, et moins un morceau de la porte latérale que nous avons perdu en route. Ce n'est qu'un début, nous ferons beaucoup mieux au cours du séjour.
A 16 heures, après 4 heures d'attente et de palabres, nous partons enfin remonter la vallée du Santa Cruz avec les deux mules et le muletier dont nous venons de louer les services. La nuit tombe à 18 heures. Premier campement isolé et tranquille au bord d'un ruisseau. Premier réveil frisquet à 4000 m, au fond d'une vallée. Le lendemain, 10 juillet, nous passons au lieu-dit Llamacoral où la vallée s'évase, son fond s'aplatit et est occupé par des lagunes et des lacs. Nous découvrons les premières cimes de la Cordillère Blanche, le Caraz sur notre droite, le Quitaraju et l'Alpamayo sur notre gauche. Nous dépassons le chemin qui part sur notre gauche au camp de base de l'Alpamayo et après 5 heures de marche ce jour-là, nous arrivons à 4250 m au pied du col de Punta Union et du magnifique Taulliraju où nous établissons notre camp. Il a fait chaud la journée. A la suite d'un pari stupide, nous partons nous baigner dans l'eau de fonte du ruisseau, à l'ombre, à 4250m. Gorges douloureuses et bronchites dès le lendemain. A cette altitude, l'eau bout à 70°C. Sans cocotte-minute, il est illusoire de vouloir faire des pâtes mangeables. Menu de ce 10 juillet soir : pâtes.
Le lendemain, nous passons le col de Punta Union (4750m) dans le brouillard puis nous redescendons de l'autre côté dans une vallée assez différente car beaucoup plus humide. Nous campons dans un enclos à moutons à une heure de marche de Vaqueria que nous atteindrons le lendemain. Nous quittons le muletier, assez en peine de nous voir partir car normalement le voyage, donc sa paie, demande plus de temps et cherchons un moyen de transport pour passer le col du Chopicalqui. Vaqueria est plus un lieu dit qu'un village. Il est composé de deux baraques, une de chaque côté de la route et il est difficile de résister aux assauts du taxi en place et d'attendre un bus qui, nous assure-t-on ne viendra jamais. Un bus arrive, il en passe de fait plusieurs par jour dans les deux sens. Echec commercial du taxi. Il nous dépose de l'autre côté du col, au camp de base du Pisco. Nous y retrouvons les deux porteurs que nous avons engagés avec notre matériel de montagne (soulagement). En deux heures nous montons au premier camp, juste en dessous du luxueux refuge (plus confortable qu'un refuge dans les Alpes, mais nous n'avons pas osé demander le prix) où nous montons le campement. A côté de nous, un poulet gambade. Viande fraîche montée par une des expés commerciales avec qui nous partageons le camp.
Le lendemain, nous nous reposons un peu au camp, c'est ce qu'on appelle la période d'acclimatement (les premiers maux de crâne commencent à se faire sentir...). Le matin pour deux d'entre nous (ils accompagnent les porteurs qui redescendent tout en bas le jour même) et l'après-midi pour les autres, nous atteignons en deux heures le camp situé en haut de la belle (ça dépend des goûts évidemment) et imposante moraine du glacier du Pisco où se situe le dernier camp à 4900m. Les nuits sont franchement fraîches. Il fait -5°C dans les tentes et -10/-15 la nuit à l'extérieur. Il neigeote. Lever à trois heures le 14 juillet. L'ascension est aisée (elle est cotée F), on rejoint en deux heures le col du Pisco puis on remonte en deux heures sa très large arête sud-est. La trace est énorme, seules quelques courtes pentes à 40° (les derniers mètres notamment) rompent la monotonie de l'ascension. Une dernière cloche de 20m de haut protège le sommet. Par un petit passage de 2m nous atteignons enfin les 5750m. Il fait beau. Le panorama dévoile Huandoy, Chacraraju, Alpamayo et Huascaran. Leur blancheur semble d'ici immaculée. Leurs couvertures de neige finement ciselées d'ice-flutes et de pénitents sont éblouissantes. Personne ne subit de Mal Aigu des Montagnes (MAM) même si l'altitude fatigue et si certains auront fait le sommet avec plus de peine que d'autres. Nous redescendons cependant rapidement, pressés de laisser là-haut nos maux de tête. Nous arrivons à la piste en fin d'après-midi où plusieurs collectivos attendent les trekkers et alpinistes de retour du Pisco. Pour 70 soles, nous serons à Huaraz le soir même... A 21 personnes dans un collectivo -ce sera notre record- dont trois Québécoises que nous saluons au passage.